Friday, February 11, 2011

 

Nicolas Bokov à la recherche de l'Editeur pour son roman "Echappée vers Reims"


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Une soirée un peu mondaine à Paris, avec des douces rivalités. Conversent Patrick, un journaliste arrogant; une étudiante Laure, louve jeune et gaie venue avec lui; le maître de la maison, un professeur, ingénieur des ponts et chaussées, épaulé par sa compagne Geneviève. Tamara est là également, elle continue sa brillante carrière à Paris, lancée à Stockholm où elle était la pédicure du célèbre Bergman. Traductrice grecque, Lucie Pope vient de Bruxelles, où elle travaille avec conviction et ardeur. Elle se trouve à table à côté de Jean Petrow, ressortissant d’un pays totalitaire de l’Europe de l’Est; il gagne difficilement sa vie avec la plume.
Ils parlent des événements dont on parle à la télé. Entre autres, la biennale de Venise où l’on fête le triomphe d’un ouvrage à base de cadavres d’animaux, qui aurait provoqué l’invasion des chats italiens. L’étonnant est que ceux-ci restaient insensibles au gaz lacrymogène. On se souvient par hasard d’un écrivain mort dans la misère, Bove, dont les livres sont devenus populaires.
Jean Petrow aborde le thème de l’amour, et les convives d’un seul coup se sentent comme dévoilés et déshérités. De plus, les définitions de l’amour trouvées dans les dictionnaires d’époques différentes sont presque opposées: une édition récente parle des sentiments, celle d’il y a trente ans insiste sur l’amour pour la patrie… Désolés, les invités réussissent tout de même à passer au dessert.
Jean Petrow propose à Lucie la grecque de la ramener chez elle. Serait-elle d’accord pour faire un détour par chez lui et goûter une liqueur de poire, pure merveille reçue d’un pays balkanique? La nuit commençant les a attendris tous les deux et réveille des doux souvenirs. La traductrice est un peu étonnée que sa nouvelle connaissance habite au huitième étage sans ascenseur. Petrow explique qu’il avait loué sa mansarde sur la prescription d’un médecin qui jugea nécessaire, pour son cœur, cet exercice physique. Quant aux dimensions dérisoires de sa chambre, elles sont là pour créer «l’étroitesse existentielle» indispensable si on veut un élan créatif. Ainsi un obus, pour atteindre son but, est serré d’abord dans son canon. L’invitée resta satisfaite de l’accueil même si au matin elle s’apprête à partir.
Plein d’hésitations, Petrow se précipite à la mairie de Paris, où il espère trouver de la compréhension face à son problème, presque héréditaire, de logement. Il avait failli mourir l’année de la fameuse canicule. Cette fois, il est reçu par M.Galéro, conseiller adjoint, qui l’encourage en rappelant que le kilométrage des pistes cyclables est en augmentation. En plus, Petrow ne doit pas sous-estimer son rôle dans le moral grandissement du public, restant dans sa situation pénible. Non, non, il ne doit pas déserter l’armée sacrée des pauvres ! Qu’il continue à servir de repère aux consciences lentes des citoyens.
Malgré l’encouragement paternel d’un représentant du pouvoir, Petrow plonge dans une dépression. Il soupçonne l’hypocrisie des gens. Il s’enfuit dans le passé lointain plein de promesses et de sentiments forts. Il y a une vingtaine d’années il avait reçu une lettre d’amour et l’avait laissée sans réponse. Avec une simplicité inspirée, il compose le numéro du téléphone berlinois. Brigitte est là, émue, terrifiée même par ce coup de fil si retardé. Leurs voix se rencontrent dans l’espace parmi les échos cosmiques. Pauvre quotidien ! il explose. Petrow le fuit, il s’évade de sa vie établie, sa forteresse et sa prison. Ils devront se rencontrer à… Coblence, non, finalement à Reims.
Ceci n’est pas facile, cependant. L’employé d’une station service sur l’autoroute le prend pour un braqueur qui, la veille, avait détroussé son collègue. Sa main palpe un revolver dans le tiroir de sa caisse. Petrow vit l’angoisse sans issue essayant de convaincre l’homme de sa méprise. Soudain, la sonnette de la porte retentit. Une cliente entre dans la station, une jolie femme brune…

C’est bien Elisabeth, une sociologue qui parcourt la Champagne sur la demande du Conseil de l’Europe étudiant les causes de la pauvreté en France. Petrow s’attache à sa presque libératrice et la suit jusqu’à une ville de Champagne, où, sur la place centrale, se lève le monument du l’inventeur, un peu mélancolique, de la boisson pétillante estivale. Ils soupent ensemble, leur échange toujours plus intime et intense les conduit dans une chambre de l’hôtel où Morphées les accueille, indulgent. A l’aube Petrow abandonne sa sauveuse dans son sommeil.
A travers la pleine et les vignes il monte vers la ville de Reims. Au sommet d’une colline un motard le rattrape et demande sa route. Une péniche sur le canal émet son signal bas et long. Bientôt devient visible la ville du sacre des rois. Petrow erre dans ses rues encore ensommeillées, revivant ses allés et venus ici dans le passé. Il se presse de voir les gargouilles, souvenir du terrible incendie causée par la Grande Berthe, énorme canon allemand installé sur des rails à une centaine de kilomètres. Le plomb du toit fondit et coula par les gueules de pierre, s’éternisant en stalactites monstrueux.
Une Volkswagen orange garée près du Musée de Tau appartient, il le devine, à Brigitte, la sœur cadette de l’amie de Petrow, d’il y a vingt ans auparavant. Malgré le drame de la trahison et de rupture, celle-là se trouve parfois dans son cœur, visiteuse désormais clémente. A l’époque Brigitte, qui suivait sa sœur dans toutes ses entreprises, tomba, inévitablement, amoureuse de lui et constata, étonnée, que son sentiment pour l’amant de sa sœur s’imposait; elle le voulait pour elle seule. Avec frisson de bonheur, elle pressentit le départ de sa sœur, sa rivale.
La blessure encore trop fraîche, l’homme ne pouvait pas apprécier la pureté et la profondeur de ce sentiment. Le ravin de rupture l’hypnotisa puissamment. Mais vingt ans plus tard il répondra à la lettre postée à Berlin. Cette nuit-là qui approche, dans un hôtel sans prétention, qui côtoie la basilique Saint Remi, le saint patron des érémistes. Brigitte est néanmoins un peu inquiète et déçue par l’intérêt qu’il porte encore à l’égard de sa sœur : que devient-elle ? où est-elle ? enfin, est-elle en vie ?..
En toute évidence, Petrow se réjouit de la retrouver. Ne voudrait-il venir à Coblence, où elle vit avec ses deux enfants, après son divorce ? Qui le retient à Paris et en France ? Le téléphone, l’Internet, la voiture, l’avion ont rendu superflu l’attachement aux capitales ! Quant à sa sœur… qu’il se débrouille lui-même pour en avoir de ses nouvelles. Voici le numéro de téléphone, et tout.
Leur nuit de noces merveilleuse se termine. Gênée, s’excusant presque, Brigitte lui annonçe qu’elle avait oublié sa pilule. Petrow, ému et excité, prie l’Eternel d’accorder la force vitale à la semence, s’il y en a encore dans son corps vieillissant. Rapide et nerveuse, la Volkswagen accompagne sa voiture une vingtaine de kilomètres, puis quitte l’autoroute et se manifeste dans quelques secondes sur le pont au dessus de son autoroute, clignotant, klaxonnant, avec Brigitte, le saluant.
Lentement, Jean Petrow rentre à Paris. Inquiet de ses propres questions auxquelles Brigitte ne voulait pas répondre. Le numéro de téléphone lui parait vaguement connu. Un soupçon se forme dans son esprit, toujours plus terrifiant, qui gèle le sang dans ses veines. Essoufflé, il sort une valise contenant des vieux papiers et des photos, des manuscrits et des lettres. Voici le vieux carnet délabré, avec des numéros et des adresses mortes. En effet, il a deviné : Brigitte lui laissait le téléphone de ses parents. Les parents de sa sœur. Il revient à eux, de lui expliquer ce qui se passa avec leur fille aînée. Brigitte n’avait pas osé…

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